
Le coliving, un produit hybride
Le coliving, une invention de promoteurs immobiliers?
Un concept pas vraiment récent
Après avoir persuadé toute une génération que l’idée de mutualiser des services autour d’un espace de travail était née avec le coworking, un marketing redoutable a réussi à convaincre les millenials que celle du « vivre ensemble » était toute nouvelle. Il n’en demeure pas moins que le concept est assimilable à plusieurs formes historiques, comme le phalanstère, et semble concrétiser des utopies communautaires soixante-huitardes.
Mais il faut aussi avouer que plusieurs facteurs très actuels ont favorisé l’émergence de ce nouveau mode d’habiter dont l’engouement ne cesse de croître dans les pays anglo-saxons, en Asie, et désormais en France.
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L’éternelle quête de flexibilité et de mobilité
Le coliving se distingue d’abord de la colocation classique par sa flexibilité. Les promoteurs ont mis au point une offre parfaitement adaptée à une société en mutation rapide et très mobile depuis la numérisation du travail.
Des durées d’occupation très variables, de quelques nuits à un an, et une facilité administrative favorisent cette flexibilité. Les démarches sont simples et se font en ligne. Le loyer comprend ménage, wifi, eau, électricité, charges, taxe d’habitation, cours de sport, abonnement Netflix… Dorénavant, on peut déménager au bout du monde en quelques clics.

Le coliving, révélateur de la crise du logement
Toutefois, avec un peu de lucidité, il faut également admettre que l’émergence de ce type d’offre correspond à une difficulté croissante de se loger. Des centres urbains saturés, des métropoles toujours plus denses et une inflation continue des loyers rendent de plus en plus difficile l’accès au logement, même pour les jeunes cadres. « À Paris, aujourd’hui, environ 50% des colocataires sont salariés d’une entreprise et n’ont pas les moyens de loger dans un appartement seul. » (Sphère Immo).
Les promoteurs ont trouvé comment exploiter ce rêve inaccessible d’un appartement bien placé, refait à neuf, assez tendance, avec en prime une multitude de services et une vie en semi communauté. Le critère qui est relativement sacrifié est celui du prix. Effectivement, le loyer pour une chambre individuelle avoisine souvent celui d’un studio (autour de 850 euro/mois à Paris).

Quelle offre propose le coliving ?
Il y a presque autant d’offres que de lieux de coliving. Plusieurs variables sont à prendre en compte : la localisation (plus ou moins urbaines), le type de clientèle visée (auto-entrepreneurs, artistes…), la surface des espaces privatifs (de 10 à 30 m²), le nombre de lits (entre 10 et 30 en France), le type de bâtiment (une maison de ville intimiste en banlieue parisienne pour Colonies, à l’immeuble new-new-yorkais pour WeLive). Les logements se déclinent du studio à la chambre partagée en passant par la chambre individuelle.

L’exemple de Flatmates, l’extension coliving de la Station F

Qui succombe à cette dernière tendance en matière de logement ?
Une clientèle en transition
Le coliving attire essentiellement de jeunes actifs amenés à déménager régulièrement, au grès des jobs qui jalonnent leur plan de carrière. Loin des contraintes de la vie de famille, ils éprouvent un besoin de partage et de convivialité. Par conséquent, ils valorisent plutôt les usages que la propriété. Guillaume Pellegrin, fondateur des espaces de coworking Newton Offices parle d’une « révolution d’usages. On n’achète plus de DVD, on regarde un film, on n’achète plus de voiture, on circule. On ne veut plus posséder mais utiliser. »
Le coliving, un modèle d’habitat qui s’exporte
La Chine est très loin devant avec plus de 20 000 logements pour la seule filiale You+. Mais le succès mondial est incontestable : des taux d’occupation très élevé (91% pour WeLive), des levées de fonds impressionnantes (400 millions de dollars pour les britanniques de The Collective), un nombre très important d’adresses en cours d’ouverture (20 nouveaux sites pour le groupe français Axis (Babel Community) d’ici 2025).

Qu’est ce qui pourrait freiner la croissance du coliving ?
Le loyer d’un appartement en coliving dépasse celui d’un studio
Dans sa forme la plus répandue, le coliving est un modèle d’habitat partagé haut de gamme. Effectivement, l’offre se répand de plus en plus mais ne se démocratise pas vraiment. Les standards du coliving sont très élevés et les services proposés ne sont pas à la portée de toutes les bourses. Il n’est pas certain qu’une version low-cost du concept serait financièrement viable.
Si la liberté -et l’intimité- des occupants s’arrêtent là où commencent celles des autres, on peut se demander ce que les gens sont réellement prêts à partager pour 3/4 d’un SMIC. Pourtant, la rentabilité des lieux de coliving repose sur la mutualisation d’un maximum d’espaces.
Une clientèle éphémère
La cible est une population en transition. Il faut donc en permanence renouveler les colivers. Le défi n’est pas simple, d’autant que la génération attirée par ce concept vieillit. Si son besoin d’indépendance ne prend pas toujours le dessus sur son désir de vie en communauté, il est évident que les jeunes actifs d’aujourd’hui seront les jeunes parents de demain. Kin lance d’ailleurs une offre de coliving à destination des familles avec des services adressés aux enfants.

Respecter les normes du logement et la réglementation des ERP
A l’apparition du coworking, il a fallu légiféré l’offre, entre code du travail et réglementation ERP. De même, le coliving est encore un objet immobilier flou au regard de la législation. Il désigne à la fois un logement et un ERP, avec toutes les ambiguïtés en termes d’usages et de règles de sécurité qu’ils représentent. Ce point freine un peu la progression du concept en France, mais le nombre croissant de colivers oblige une mise à jour imminente de la réglementation en vigueur.
Comment le coliving peut-il perdurer sur le marché immobilier?
Elargir sa clientèle
Se destinant principalement aux millénials plutôt urbains dans sa forme actuelle, le coliving peut se décliner de multiples façons pour élargir sa cible. Les sociétés spécialisées dans le logement étudiant comme Kley s’y intéressent de près, tandis que les architectes londoniens de Studio Weave proposent le coliving comme futur modèle de logement intergénérationnel.

Décliner le concept en dehors des hyper centres urbains
Bien que la majorité des résidences de coliving soient aujourd’hui principalement implantées en « zones tendues » en terme de logement, certains opérateurs font le pari de s’installer en milieu rural. La Mutinerie a ouvert “Le Village” en plein cœur du Perche sur le modèle des résidences d’artistes.

L’enjeu du coliving, fidéliser une clientèle nomade
Les colivers pourraient enchaîner des séjours temporaires dans plusieurs adresses de la même chaîne. Pouvoir se familiariser avec une marque et retrouver certains de ses codes aux quatre coins du monde ont des chances de créer de la récurrence chez les colivers les plus nomades.
Le coliving, un placement immobilier rentable ?
La question de la rentabilité est celle que tout le monde se pose. Le recul n’est pas encore suffisant pour que les rendements annoncés, qui frôleraient les 10% selon les sociétés d’investissement, se confirment. Mais une forte demande locative, des loyers importants et une fiscalité avantageuse leur donnent raison.
« Les loueurs bénéficient en outre d’un avantage fiscal car le coliving peut permettre de prétendre au statut de loueur en meublé non-professionnel (LMNP), voire professionnel (LMP) » (Etude réalisée par BNP Real Estate).

Les acteurs majeurs de l’immobilier français intègrent ce marché émergent
Au départ, les promoteurs ont simplement investis dans des start’up de coliving, mais ils intègrent progressivement le marché. Les postures sont différentes d’un géant à l’autre : BNP Paribas Real Estate a lancé CoLivme, qui met en relation les potentiels clients du coliving et les exploitants de résidence. Vinci a créé Bikube et Bouygues a lancé Koumkwat. « L’engouement des promoteurs s’explique par la double opportunité de construire puis de s’occuper de la gestion de ces immeubles partagés« (Etude réalisée par BNP Real Estate).
La révolution du logement est-elle en route ?
Le marché du coliving est encore balbutiant en France mais s’apprête à exploser comme dans les pays précurseurs. Les différents opérateurs déjà présents sur le territoire annoncent tous l’ouverture de plusieurs adresses entre 2020 et 2022.
Julien Morville, co-fondateur de Sharies, estime que les modes de vie ont radicalement changé par rapport à l’offre de logements et que la «distorsion significative entre le produit et la demande va conduire à un effet de rattrapage important» dans les prochaines années.

Le coworking a radicalement transformé les manières de travailler. Le logement n’a pas connu de profonde mutation depuis près d’un siècle. On est donc en droit de penser que le coliving n’est pas un simple vocable marketing qui désignerait une colocation améliorée, mais va amorcer une transformation des façons d’habiter. Pendant plusieurs décennies, on a construit des quartiers d’affaires et des zones résidentielles, mais depuis les années 2000 l’enjeu est de valoriser la mixité programmatique à l’échelle du bâtiment.